• J'ai fait ma vélorution

    Un article paru dans le Monde début août 2019 :

     

     

    « J’ai fait ma vélorution » : ces villes prêtes à oublier la voiture

    Après les pionnières Strasbourg ou Bordeaux, de plus en plus de villes, autrefois favorables aux automobiles, lancent des plans de développement en faveur du vélo.

    Par Olivier Razemon Publié le 07 août 2019 à 01h24 - Mis à jour le 07 août 2019 à 11h26

     

    J'ai fait ma vélorution

     

     

    Dix millions d’euros de plus pour le vélo. Cette somme, initialement affectée à la construction du nouveau stade Louis-Nicollin sera finalement injectée dans le plan vélo de la métropole de Montpellier, a annoncé, en juin, Philippe Saurel, le maire (divers gauche) de la ville et président de la Métropole. Le budget consacré au réseau de pistes cyclables sécurisées de la collectivité montpelliéraine avoisine désormais les 100 millions d’euros, pour une durée de dix ans.

    Cet engagement n’était pas joué d’avance. Interviewé par France 3 Occitanie au sujet des infrastructures cyclables en octobre 2018, le maire déclarait : « Le vélo est utilisé, mais pas spécialement à l’intérieur du centre-ville. Faire une infrastructure pour qu’elle soit utilisée par deux personnes, ce n’est peut-être pas l’idéal. » Deux personnes ? Aussitôt, les militants de l’association Vélocité lançaient sur les réseaux sociaux le hashtag #Jesuisundesdeux. En novembre 2018, 1 200 cyclistes participaient à une « vélorution », arpentant les rues, entre les jardins de la promenade du Peyrou et la mairie.

    La mobilisation a porté ses fruits : un « schéma directeur des mobilités actives » était présenté par la Métropole en février. Depuis, à l’occasion de diverses manifestations pour le climat, Vélocité ne manque pas de poursuivre cette « pression citoyenne », explique Nicolas Le Moigne, son porte-parole. « Nous étions 67 adhérents en 2018 et nous sommes aujourd’hui 600 », indique-t-il.

    « J’ai fait ma vélorution », sourit aujourd’hui M. Saurel, qui veut remettre en cause la « vision routière de l’aménagement urbain, car le dérèglement climatique n’est pas une vue de l’esprit ». Depuis son élection en 2014, l’agglomération a connu « deux épisodes d’inondations, trente centimètres de neige et la toute récente canicule », rappelle-t-il.

    « Il faut vivre dans son temps »

    Malgré ses 70 000 étudiants, Montpellier ne fait pas partie des communes les plus aisément parcourables à vélo, selon le Baromètre des villes cyclables publié par la Fédération des usagers de la bicyclette en mars 2018. Alors que les pionnières – Strasbourg, Bordeaux, Rennes et Grenoble – continuent, elles, leur transformation, la plupart des autres agglomérations se sont contentées jusqu’ici de proposer un service de vélo partagé, coûteux et pas toujours utilisé.

    En ces temps d’urgence climatique, plusieurs villes découvrent soudain les vertus de la bicyclette. A Béthune (25 000 habitants, Pas-de-Calais), la municipalité souhaite « proposer un maximum d’alternatives à la voiture », explique Amel Dahou-Gacquerre, adjointe à la mobilité durable. Depuis avril, un bus « à haut niveau de service », disposant de couloirs réservés, circule dans les rues. Et un plan vélo a été adopté en mars, visant à « promouvoir l’usage, à améliorer les aménagements et à installer des arceaux de stationnement à proximité des écoles », détaille l’élue.

    Pourtant, au début de son mandat, le maire Olivier Gacquerre (Union des démocrates et indépendants) encourageait plutôt le recours à la voiture. « Il faut vivre dans son temps. L’automobile ne va pas disparaître. C’est une liberté ! », affirmait-il en avril 2014, en décidant de rétablir la circulation automobile autour de la Grand-Place de la ville, alors piétonne, et d’y installer un parking.


     

    Mme Dahou-Gacquerre ne voit pas de contradiction entre la décision de 2014, « un engagement de campagne électorale », et le plan vélo de 2019. « Dans les deux cas, il s’agit de dynamiser le centre-ville », assure-t-elle. Et désormais, il faut se soucier « des enjeux de santé publique », affirme-t-elle. Pour réaliser les aménagements, la municipalité s’appuie sur l’expertise de l’association régionale Droit au vélo (ADAV), qui avait vertement critiqué, il y a cinq ans, la transformation de la Grand-Place en parking.

    Pistes cyclables effacées

    Ce revirement est loin d’être une exception. Après les élections municipales de 2014, de nombreuses villes ayant basculé de gauche à droite avaient pris immédiatement des mesures pour faciliter la circulation et le stationnement automobile. Des espaces piétons ont été supprimés, des pistes cyclables effacées, des voies de bus neutralisées. Le Groupement des autorités responsables des transports (GART), qui rassemble les élus chargés des déplacements, s’était inquiété du recul de la « mobilité durable ».

    Mais depuis, plusieurs de ces communes ont opéré un revirement à 180 degrés. A Pau, où une piste cyclable sur un pont avait été détruite en début de mandat, le maire François Bayrou (MoDem) affirme aujourd’hui que la ville « compte davantage de kilomètres de pistes cyclables que toutes les autres villes moyennes, après La Rochelle ». La municipalité espère qu’en 2030, 10 % des déplacements seront effectués à vélo, contre 2 % aujourd’hui.

    La matérialisation d’une ligne de bus à hydrogène, inaugurée à la fin de l’été, a « permis de construire de nouvelles pistes dans des quartiers où il n’y avait rien », reconnaît Hervé Laurent, de l’association Pau à vélo. Mais les militants demeurent vigilants : « Sur certaines voies refaites récemment, aucun aménagement n’est prévu, ce qui est contraire à la loi sur l’air de 1996. » L’association a déposé un recours gracieux.

    Un processus comparable s’est déroulé à Saint-Etienne, où le maire Gaël Perdriau (Les Républicains) avait, en 2014, rétabli un axe de circulation motorisée traversant le centre-ville et effacé des itinéraires cyclables. Dans cette ville connue pour sa manufacture de cycles mais aussi pour ses fortes pentes, « nous avions du mal à faire respecter le schéma directeur voté en 2009 », explique Florent Missemer, président de l’association stéphanoise Ocivélo.

    Un effet post-élections européennes

    En 2016, Loïs Moreira, adhérent de cette association, établit la cartographie d’un réseau cyclable pour la métropole, en se basant sur les nombreuses voies ferrées désaffectées, héritage du passé minier de la ville, qui présentent l’avantage de monter en pente douce. L’initiative convainc jusqu’au maire, qui a dévoilé un programme précis doté de 41 millions d’euros à la mi-juin, quelques semaines après les élections européennes.

    Les résultats de ces élections, qui ont consacré le parti Europe Ecologie-Les Verts comme force politique non négligeable, à Saint-Etienne comme ailleurs, a-t-il pu jouer ? « Oui, c’est ce que nous ont confirmé plusieurs adjoints », avance M. Missemer.

    Plus au Sud, l’annonce surprise d’un plan vélo à Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes), le 2 juillet, ne serait pas étrangère à cette poussée électorale, estime Florent Morel, président de l’association Choisir le vélo, active dans le département. Le responsable attend le même effet dans la technopole de Sophia-Antipolis, établie dans une pinède, et qui ne comporte que sept voies d’accès, embouteillées tous les matins.

    Même les réunions publiques d’information destinées aux habitants, majoritairement composées de riverains sourcilleux, ne se montrent plus systématiquement hostiles aux aménagements cyclables. Début juillet, le Grand Besançon proposait celui d’une rue proche de la gare centrale. « A notre grande surprise, c’est le projet prévoyant le plus d’espace pour les vélos, et supprimant une voie de circulation, qui a emporté la faveur des riverains. Un tel résultat aurait été impensable il y a encore deux ans », raconte Clément Billet, chef du service déplacements de la métropole.


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